VIE COMMUNALE


RAFLE MAISON FORTE de SAINT GERMAIN


Souvenir de la tragédie de la Ferme Bonnet : de l'émotion et du recueillement du 19 mai 1944

19 mai 1944. Il y a 65 ans, un drame terrible marquait à jamais les habitants du hameau de Saint-Germain et de Villemotier.

19 mai 2009, de nombreuses personnalités politiques, élues ou déléguées, des représentants d'institutions religieuses de différentes confessions, des représentants d'associations d'anciens combattants et/ou de déportés et de nombreux villemontois ont tenus à être présents à cette cérémonie. Une cérémonie emprunte d'un recueillement profond, où l'émotion et le poids de l'Histoire étaient palpables.

Si les interventions de Aimé Girard, maire, de Jean Bernadac, conseiller général, et de Jean Lévy, ancien président du CRIF régional et délégué de l'association FFDJF (Fils et Filles des Déportés Juifs de France) ont retenu l'attention, l'intervention des enfants de l'école du village était lourde de signification. Au cours de l'année scolaire, les enfants de  CE2, CM1 et CM2 ont travaillé, avec Sophie Gomes, leur maîtresse, afin de mieux connaître cette période noire de notre Histoire ; comprendre ce qu'est la Shoah, faire la différence entre nazi et allemand, donner une signification aux mots TOLERANCE et ENTRAIDE. Lors de la cérémonie, les élèves liront 4 lettres, que des enfants de leur âge, hébergés au foyer d'enfants à Izieu, ont écrites à leurs parents pendant ces terribles années. Ils déposeront également la gerbe du Souvenir au pied de la plaque commémorative.

Pour perpétuer le devoir de mémoire, l'association "Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France" ont offert deux ouvrages écrits par Serge Klarsfeld, leur président, au groupe scolaire de Villemotier : LES ENFANTS D'IZIEU et GEORGY, deux ouvrages de référence.

Afin de se souvenir, d'ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, et surtout, comme l'a souligné Danièle Lévy, fille de Paul Strauss et de Berthe Menela,"PLUS JAMAIS CA" ,les municipalités successives de Villemotier tiennent à entretenir la mémoire pour "ne pas oublier, et surtout ne pas recommencer".

CONTRE L'OUBLI : Intervention de Aimé Girard, maire (Extraits)

"(...) Je suis très ému à la pensée qu'il y a 65 ans, à cette heure, se produisait un massacre perpétré par les SS et la Gestapo, au cours duquel les martyrs : Jean Schawb, Aron Wolf, Roger Meyer, Charles Cwang et Raphaël Horowitz y laissèrent leur vie et Paul Strauss, arrêté, fut déporté et mourut à Auschwitz (...).

Contre l'oubli, c'est la troisième fois que nous nous réunissons sur ce site pour commémorer cette tragédie (...); de manière plus rapprochée, tant que des témoins directs sont encore là pour expliquer et lutter contre l'oubli ; (...)

(...) 15 années ont passé depuis la première cérémonie anniversaire, les jeunes ont grandi, (...) les témoins de l'époque ont vieilli, d'autres ont disparu (...) Je me permets de rappeler à notre souvenir, les témoins directs, Monsieur Charnay, agriculteur voisin de cet endroit, ancien maire de Villemotier, décédé en 1995 et Monsieur Galland, l'un des 3 survivants, décédé il y a 8 ans.

C'est la raison pour laquelle Villemotier s'est engagée, malgré la disparition inévitable des témoins directs, de ne jamais oublier.

Contre l'oubli, en 1994, une convention a été signée (...) entre notre commune de Villemotier et le mouvement des Eclaireurs Israélites de France, qui définissait (...) les engagements moraux que chacune des parties avaient pris pour perpétuer la mémoire du Groupe Rural de Saint-Germain.

Contre l'oubli, an 1998, (...) une plaque installée au centre du village (...) fut inaugurée. Cette plaque, portant l'inscription "ESPACE GROUPE RURAL DE SAINT-GERMAIN" rappelle la tragédie de Saint-Germain.

(...) J'ai tenu à associer à notre cérémonie commémorative, les enfants de l'école de Villemotier et leurs enseignantes (...)

Pour conclure (...), je me permets de citer la phrase suivante, de Madame Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur : "la mémoire n'est rien si elle n'est pas dans le même temps une prise de conscience...Elle est importante car elle est valeur d'enseignement pour toutes les générations à venir. (...) ".

HISTOIRE DE LA TRAGEDIE : Intervention de Jean Lévy, délégué FFDJF (Extraits)

 (...)Au cours de l'été 1941, les Eclaireurs Israélites de France et le Consistoire Israélite Central décident la création de 4 chantiers ruraux : à Lautrec près d'Albi, à Charry près de Moissac, à Taluyers dans le Rhône et à Maisod dans le Jura. (...) Ces organisations rurales donnaient à des jeunes juifs une formation agricole pour le retour à la terre, un fond d'éducation et de culture juive, un refuge et un lieu de passage pour certains jeunes en attente.

Le premier chantier a été installé en septembre 1941 à Maisod sous la responsabilité du docteur Georges Meyer et avec Jean Schwab comme moniteur agricole. Les conditions climatiques difficiles, l'isolement et l'exiguïté de la propriété ont nécessité de chercher une exploitation plus vaste et mieux adaptée.

En mars 1942, Georges Meyer signe avec Monsieur Bonnet un bail pour la ferme de Saint-Germain comportant 30 hectares de terre et un imposant corps de bâtiment. Par moments, il y avait plus de 30 personnes qui y séjournaient avec une dizaine de permanents qui exploitaient sérieusement tout en maintenant un niveau culturel (...) grâce au rabbin Aron Wolf

Les responsables adultes (...) devaient de temps à autres convoyer des enfants juifs jusqu'à la frontière pour les mettre en sécurité en Suisse. Certaines personnes ne faisaient que passer en quête d'une nouvelle identité.

Ce va-et-vient a paru suspect à des zélateurs de l'administration de Pétain (...). La Préfecture de Bourg était au courant depuis mai 1942 de l'activité du Groupe Rural (...).

(...) Le chantier rural de Saint-Germain fonctionnait de manière très démocratique avec des assemblées générales qui décidaient de la politique de l'ensemble, dont l'application était surveillée par Georges Meyer. Jean Schwab était responsable de la partie technique, Claude Bloch de la partie administrative et Aron Wolf de l'enseignement et du culte.

Début 1944, la situation devient préoccupante. Lors d'une assemblée générale dramatique, Georges Meyer demande au groupe de s'auto dissoudre et de se disperser, étant lui-même affecté à un préventorium en Haute-Savoie pour convoyer des enfants juifs à la frontière Suisse. La majorité vote la dissolution, mais un petit groupe avec Jean Schwab et Claude Bloch demande à rester sur place (...). Le docteur Meyer, âgé de 23 ans, cède. (...)

Quelques semaines après, la dissolution de tous les chantiers ruraux est exigée. Georges Meyer est retourné à la ferme, insistant auprès des résidants pour qu'ils partent. Ils lui ont demandé un sursis, l'assurant qu'ils allaient quitter les lieux devenus une souricière.

(...) A partir de 1943, et surtout 1944, nos départements, dépendant de la Préfecture régionale de Lyon ont subi des exactions terribles commises par la Gestapo de Lyon dont l'un des principaux chefs Klaus Barbie, dit "le boucher de Lyon" sema la terreur. Responsable de l'arrestation, de la déportation et de l'assassinat des 44 enfants d'Izieu, de Jean Moulin, de nombreux résistants et juifs envers lesquels il exhalait une haine mortelle. (...)

Le 19 mai 1944 dans la matinée, une colonne allemande, venant de Verjon, passe à Villemitier. Quelques camions se détachent du groupe et se font conduire à la ferme de Saint-Germain. Dès leur arrivée, les nazis font feu sur le personnel qui cherchait à fuir et abattent trois jeunes gens : Jean Schwab, Aron Wolf et Raphaël Horowitz. Ils s'emparent de 4 autres personnes résidant à la ferme. Seul Jacques Francès réussit à prendre la fuite.

L'après-midi, vers 14 heures, les allemands reviennent, ramenant Roger Meyer et Charles Cwang.Ils restent à la ferme sans témoin. A 17 heures, ils informent le garde-champêtre d'avoir à se rendre à nouveau à la ferme pour enlever les corps de ces deux jeunes gens abattus par eux.  

Avant de quitter les lieux, les nazis ont entièrement pillé le bâtiment et emmené le bétail.

Quant à Berthe Menela et Paul Strauss, menottés, ils furent dirigés vers la prison Montluc à Lyon.

Berthe Menela, enceinte de 8 mois, (...) arrêtée sous le nom de Béatrice Michel, (...) fut libérée le lendemain. Son compagnon Paul Strauss, arrêté avec elle sous sa véritable identité, fut emprisonné à Montluc à Lyon, transféré à Drancy, puis déporté à Auschwitz par le convoi 76 du 30 juin 1944. Sélectionné pour le travail forcé, il est décédé le 1er février 1945 à l'infirmerie d'AuschwitzIII Monovitz, 6 jours après la libération du camp par les troupes soviétiques.

Jacques Francès a pu s'échapper par la fenêtre arrière de la ferme avec Jean Schwab, (...) mais Jean Schwab est touché par le tir des nazis. Jacques Francès se cache au bord d'une rivière en attendant la nuit. Il se présente alors dans une ferme où l'agriculteur lui donne de la nourriture, de l'argent avant de lui expliquer le chemin pour se rendre à Bourg sans passer par la nationale. Il fut ensuite recueilli par l'Abbaye des Dombes, puis par les parents de Roger Meyer à Fontaines-sur-Saône.

Quantà Claude Bloch (...), il s'était absenté de la ferme ce jour là pour aller chercher des instructions chez ses supérieurs (...).

Les 5 fusillés furent enterrés au cimetière de Villemotier. Après la Libération, ils furent transférés au cimetière israélite de "La Mouche" à Lyon où ils reposent tous ensemble (...).

50 ANS AVANT DE COMMENCER A PARLER : Intervention de Jean Bernadac, conseiller général. Extraits.

"Dans ma famille, mon père a été prisonnier pendant la seconde guerre mondiale. Il ne m'a pratiquement jamais parlé des évènements qu'il a vécu dans les camps (...) Par contre, c'est à mes enfants qu'il s'est livré davantage. Il faut peut-être un demi-siècle pour commencer à en parler et plusieurs années encore pour le faire savoir encore plus fort (...) Mes parents m'ont souvent évoqué les attitudes de certains auprès de l'envahisseur de l'époque , avec des dénonciations, (...) comme certainement il y en a eu pour le groupe de Saint-Germain (...)"

UNE DES 4 LETTRES LUES PAR LES ENFANTS DE L'ECOLE COMMUNALE :

Lundi 7 février 1944

Chère maman,

J'ai bien reçu ta lettre et ta photo qui m'a fait beaucoup plaisir, samedi il y a tombé de la neige, il ne fait pas encore très froid, il y a une grande terrasse ou qu'on voit tout le paysage et c'est très beau de voir toutes les montagnes qui sont couvertes de neige. Il me manque des caleçons et des chaussettes, la directrice a dit que tu m'envoies 100 francs parce qu'elle a un bon pour acheter des chaussures. Es-tu en bonne santé ? Moi je me porte bien, je mange bien je m'amuse bien je suis en bonne santé. Je t'envoie 1000000000 de baisers ton fils qui t'aime beaucoup.

GEORGY

Georges Halpern est né le 30 octobre 1935 à Vienne en Autriche. Sa maman, malade, a dû se séparer de son fils unique. Elle a été hospitalisée à Perpignan, puis au sanatorium "L'Espérance" à Hauteville, à proximité d'Izieu. Le 6 avril 1944, alors que les enfants se préparent à prendre leur petit déjeuner ; sur les ordres de Klaus Barbie, deux camions et une voiture de la Gestapo de Lyon font irruption dans la cour de l'école et arrêtent brutalement toutes les personnes présentes. Seul Léon Reifman réussit à s'enfuir. Envoyés à Drancy, 34 enfants et 4 adultes seront déportés à Auschwitz-Birkenau le 13 avril 1944 par le convoi n°71. A l'exception de Léa Feldblum, tous seront gazés. Les parents de Georgy vivent tous deux en Israël. Ils sont « partie civile ».

 

Bernadette LOMBARD - La VOIX de l'AIN